Edito : les tractopelles et les anguilles
Le Var paye à nouveau un lourd tribut aux intempéries : presque chaque épisode méditerranéen se traduit dorénavant par des phénomènes spectaculaires, des cumuls de pluie colossaux. Je ne suis pas compétent pour spéculer sur le réchauffement climatique, mais il paraît évident que la mer est restée très chaude, et que dorénavant les épisodes centennaux deviennent décennaux, et les décennaux annuels voire pluri-annuels. Le mois de novembre aura été marqué, dans notre canton, par une pluviométrie de plus de 500 mm (soit davantage que l'année 2007 tout entière). Il y a des communes varoises qui ont déjà reçu plus de 2000 mm d'eau depuis le 1er janvier. Bien sûr, toutes ces considérations ne suffisent pas à expliquer les dégâts, humains et matériels, de ces phénomènes : ce serait trop facile. Je lis dans les réactions publiques que les élus et les communes sont souvent mis en cause, notamment sur l'urbanisation excessive et la minéralisation des sols. C'est sans doute assez souvent le cas, mais pas toujours, parce que je note que lorsque des inondations catastrophiques dévastent les Pyrénées-Orientales et l'Aude, notamment dans des zones très peu urbanisées, ce facteur n'est pas en cause de façon centrale. Même dans le Var, un certain nombre d'élus ont pris leur responsabilités : lorsque dans ma commune, j'ai imposé des bassins écréteurs pour chaque nouveau commerce dans la zone d'Agora, ou déclassé des parcelles constructibles dans le quartier de Dayan en raison du risque d'inondation (pour ne citer que ces mesures), cela n'a pas fait que des heureux, mais il faut savoir ce que l'on veut. Il faut finir par le dire : il y a un autre facteur, que la saine colère du maire de La Londe, François De Canson, a eu le mérite de mettre sur la table. Lorsqu'après la première nuit d'orages, il a fait installer une pelle mécanique dans le lit de la rivière pour le creuser en urgence et diminuer les risques de crue, il a subi les oukases de la police de l'eau, service de l'Etat, qui a immédiatement interrompu les travaux pour sauver (si tant qu'elle ait été menacée) une espèce d'anguille protégée. Je n'en suis pas surpris, pour avoir été directement confronté au même cirque par deux fois : une fois en tant que président de la Siagnole lorsque nous avons voulu reconstruire la conduite d'eau qui va à l'usine du Gargallon, conduite que la crue du Reyran avait arrachée ; et une autre en tant que maire lorsque j'ai fait enrocher un cours d'eau pour sécuriser le rond-point Agora. J'entends souvent demander pourquoi les travaux sur l'Argens n'ont pas commencé plus de quatre ans après la tragédie dracénoise : essentiellement pour les mêmes raisons de lourdeurs de procédures et de dictature des primats environnementaux. Le souci de l'environnement est évidemment légitime, mais la priorité radicale et caricaturale donnée par la police de l'eau aux écrevisses ou aux fleurettes sur la sécurité humaine n'est pas décente, et il doit y être mis bon ordre par l'autorité de l'Etat.
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