JustPaste.it

L’armée israélienne attaque l’hôpital Nasser de Khan Younès, le plus grand encore en service à Gaza

Une partie des soignants et des patients ont dû évacuer l’établissement, ainsi que des milliers de déplacés qui avaient trouvé refuge dans ses murs. Durant le siège qui a précédé l’assaut, une vingtaine de Palestiniens ont été tués par des tirs de snipers israéliens, à l’intérieur ou à proximité du complexe de santé.

Par Clothilde Mraffko

Publié aujourd’hui à 08h33, modifié à 09h21

Temps de Lecture 3 min.

  Des patients palestiniens à leur arrivée à Rafah après leur évacuation de l’hôpital Nasser, à Khan Younès, le 15 février 2024.

Des patients palestiniens à leur arrivée à Rafah après leur évacuation de l’hôpital Nasser, à Khan Younès, le 15 février 2024. MOHAMMED SALEM / REUTERS

 

Terrifié, le docteur Mohammed Harara se filme, errant dans une salle de l’hôpital Nasser à Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza. Tout autour, les débris d’une explosion jonchent le sol, l’air est saturé de poussière. « Y a-t-il encore quelqu’un à l’intérieur ? », répète le médecin dans cette courte vidéo postée jeudi 15 février sur Instagram, sur fond de tirs d’artillerie. L’armée israélienne vient alors de lancer son assaut sur le plus important complexe hospitalier encore en service dans la bande de Gaza. Une autre vidéo tournée par le journaliste palestinien Mohammed Salama montre des patients évacués dans le chaos, après une frappe sur le service d’orthopédie, qui a tué un malade. Face à l’assaut, plus de 400 personnes, dont 191 patients, ont été transférées dans une aile de l’hôpital, sans eau ni nourriture, selon le ministère de la santé local.

 

« L’hôpital Nasser de Khan Younès a été touché par des tirs d’obus tôt ce matin, alors que l’armée israélienne avait annoncé au personnel médical et aux patients qu’ils pouvaient rester dans l’hôpital », a rapporté sur X l’ONG Médecins sans frontières (MSF), faisant état d’un « nombre indéterminé de personnes tuées et blessées ». Les militaires israéliens ont affirmé avoir lancé leur raid après avoir collecté des « renseignements crédibles provenant de différentes sources, dont des otages libérés, indiquant que le Hamas avait retenu des otages » dans l’hôpital Nasser – ce que dément le mouvement islamiste palestinien.

 

L’armée espère retrouver des traces de la centaine d’Israéliens encore détenus dans la bande de Gaza depuis le 7 octobre 2023 ou celles des dépouilles des vingt-neuf otages qui y ont été tués depuis. Jeudi soir, le porte-parole des soldats, Daniel Hagari, indiquait qu’ils « cherchaient toujours » – seules des grenades ont été pour l’instant découvertes dans le complexe.

 

Le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme a, lui, dénoncé la « tendance des forces israéliennes à attaquer des infrastructures essentielles pour sauver des vies à Gaza, notamment des hôpitaux ». Déjà étranglé par le siège israélien de l’enclave et débordé par l’afflux de morts et de blessés causés par les bombardements, le système de santé gazaoui est systématiquement pris pour cible par les militaires israéliens. L’assaut sur l’hôpital Nasser s’est d’ailleurs déroulé selon un schéma similaire aux attaques infligées à la plupart des hôpitaux du nord de Gaza ces derniers mois : Al-Shifa, Kamal-Adwan, Al-Awda, Al-Rantissi…

 

« Exécuté de sang-froid »

D’abord, l’armée resserre son étau : pendant trois semaines, les combats se sont peu à peu rapprochés de l’hôpital Nasser. Dans la semaine précédant l’assaut, environ vingt-trois Palestiniens ont été tués par des tirs de snipers dans l’enceinte ou aux environs immédiats de l’hôpital, selon le bureDes patients palestiniens à leur arrivée à Rafah après leur évacuation de l’hôpital Nasser, à Khan Younès, le 15 février 2024.au humanitaire des Nations unies, qui s’appuie sur les chiffres du ministère de la santé local. Le corps d’un adolescent a été filmé, gisant près de la grille d’entrée sans que personne n’ose venir le chercher. Puis, le 13 février, l’armée israélienne a ordonné l’évacuation de l’hôpital – un appel réitéré le lendemain.

 

Le message « sortez, animaux ! » a d’abord été diffusé en arabe avec un mégaphone. Le journaliste Mohammed Al-Helou raconte que les soldats ont ensuite envoyé un jeune Palestinien qu’ils détenaient relayer leur ordre auprès des quelque 10 000 déplacés ainsi que des centaines de patients et de soignants présents dans l’hôpital. Une vidéo montre ce jeune homme, en combinaison blanche de protection, hagard, les mains liées et un bandeau sur la tête, argumentant avec des déplacés. Quand il est revenu vers les soldats, comme ceux-ci le lui avaient ordonné, « ils l’ont exécuté de sang-froid, de trois balles, à l’intérieur de l’enceinte du complexe », explique Mohammed Al-Helou sur Instagram. L’armée, interrogée par le magazine américain The Intercept, a affirmé que l’« incident en question » était « examiné ».

 

Plusieurs personnes, dont un collaborateur de MSF, ont été arrêtées au checkpoint érigé par les soldats pour filtrer ceux qui fuyaient l’hôpital. Au moins un journaliste et un médecin ont été blessés par des tirs après avoir évacué Nasser. Le 14 février, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) rapportait que deux missions avaient été interdites d’accès à l’hôpital. « Nasser est la colonne vertébrale du système de santé dans le sud de Gaza. Il doit être protégé. L’accès humanitaire doit être autorisé », demandait alors le directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus.

 

Le 9 février, l’organisation dénombrait 645 Palestiniens tués et 818 autres blessés dans les quelque 378 attaques recensées contre le système de santé depuis le 7 octobre 2023. « Ces attaques ont touché 98 établissements de santé ; 27 hôpitaux sur 36 ont été endommagés », expliquait alors l’un des porte-parole de l’OMS, Tarik Jasarevic.

 

Clothilde Mraffko