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Sainte-Soline : retour sur un affrontement et ses zones d’ombre

 

Par Antoine Albertini , Abel Mestre , Samuel Laurent , Stéphane Mandard , Arthur Carpentier , Sandra Favier  et Rémi Barroux

 

Le 25 mars, la manifestation interdite contre le projet de mégabassine dans les Deux-Sèvres s’est transformée en un violent affrontement avec les forces de l’ordre. Depuis, les témoignages se multiplient. Retour, une semaine après, sur les faits établis et les versions des événements qui s’opposent.

Il y a une semaine, le samedi 25 mars, la manifestation interdite contre une mégabassine à Sainte-Soline (Deux-Sèvres) a dégénéré en une bataille entre militants et forces de l’ordre, avec de nombreux blessés dans les deux camps, dont deux gravement atteints. Le Monde revient sur les événements, en confrontant les récits de nos envoyés spéciaux, des manifestants et des autorités.

 

Pourquoi cette manifestation ?

Comme la « zone à défendre » (ZAD) de Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique) en son temps, la question des mégabassines est devenue un combat symbolique pour certains groupes de militants écologistes. Ces gigantesques réservoirs d’eau sont accusés par leurs opposants de privatiser une ressource commune au profit d’une agriculture intensive et productiviste qui refuse de se remettre en question à l’aune du changement climatique.


Si les combats contre les premières « bassines » ont d’abord regroupé des locaux qui manifestaient pacifiquement, ils ont peu à peu été ralliés par des militants plus aguerris, venus de tous les horizons. C’est sur la ZAD de Notre-Dame-des-Landes qu’a été écrit par plusieurs associations et organisations, début 2021, l’« appel des Soulèvements de la terre », qui veut lutter contre les infrastructures jugées inutiles ou dangereuses pour l’environnement, comme ces mégabassines.

 

Avec son réservoir de 628 000 m3, celle de Sainte-Soline, dans les Deux-Sèvres, devient vite un point de fixation des luttes. Le 30 octobre 2022, plusieurs milliers d’opposants manifestent durant deux jours malgré l’interdiction et, déjà, des affrontements violents – un manifestant sera gravement blessé à la tête. Ils parviennent à saboter l’une des six pompes qui alimentent le réservoir d’eau. Ils commencent également à construire des tours de bois, ravivant chez les autorités la peur d’une nouvelle ZAD. Le chantier reprend en novembre, sous protection policière constante. C’est à la suite de ce rassemblement qu’est arrêtée la date du 25 mars pour une nouvelle manifestation, que les organisateurs veulent massive.

 

L’affrontement était-il prévu ?

Le gouvernement, lui, entend faire preuve de fermeté. Dès le 10 mars, la préfète des Deux-Sèvres, Emmanuelle Dubée, ancienne directrice adjointe du cabinet de Gérald Darmanin au ministère de l’intérieur, a prévenu les associations de son intention d’interdire ce rassemblement. L’arrêté tombe une semaine plus tard, le 17 mars. Suivi d’une avalanche d’autres : interdiction de transporter des armes improvisées, des carburants ou des artifices, de survoler la zone, d’y faire circuler des engins agricoles, d’organiser « tout rassemblement de type rave parties »…

 

Des associations tentent des recours en justice, sans succès, et décident de maintenir le rassemblement. Les Soulèvements de la terre (SLT), le collectif qui pilote la manifestation, a tout prévu : des vidéoconférences sur Zoom, une radio éphémère…

 

C’est l’une des caractéristiques de ce mouvement, comme le remarque une « note blanche » non datée émanant de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) : « Par leur inventivité, leur niveau d’organisation, leur force d’influence, leur capacité à mobiliser », les SLT « apparaissent aujourd’hui comme un acteur majeur de la contestation écologiste radicale ».

 

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Manifestation à Sainte-Soline à l’appel du collectif Bassines non merci, du mouvement Les Soulevements de la terre et de la Confédération paysanne, le 25 mars 2023. Manifestation à Sainte-Soline à l’appel du collectif Bassines non merci, du mouvement Les Soulevements de la terre et de la Confédération paysanne, le 25 mars 2023. YOHAN BONNET/AFP

De fait, SLT a prévu jusqu’à une brochure en couleurs qui liste les installations prévues à la « base arrière », le camp d’où s’élanceront les manifestants, installé « au nez et à la barbe du dispositif préfectoral », se félicite l’organisation. Il y a là une garderie pour les enfants, un espace de « soutien psycho-émotionnel ». Des conseils sont aussi donnés, de la tenue adaptée – le bleu de travail, symbolisant l’eau et la tenue de travail des paysans, est recommandé – au comportement à adopter en cas de garde à vue, de fouille de véhicules. Pendant l’action, il est suggéré de rester par groupes de deux ou trois, de solliciter un « médic » en cas de blessure.

 

Face à ce mouvement, l’exécutif, loin de chercher la désescalade, semble tout aussi déterminé à mener la bataille des symboles. Sur CNews, le 24 mars, veille de la manifestation, Gérald Darmanin, venu annoncer le dispositif policier mis en place, est explicite : « Les Français vont voir de nouvelles images extrêmement violentes. »

 

Quels étaient les objectifs des manifestants ?

Le premier objectif a consisté, la veille de la manifestation, à rallier le « camp de base », installé sur les terres d’un sympathisant, dans la commune de Vanzay, en dehors de la zone interdite à la circulation.

 

https://jpcdn.it/img/308a0d1cf200dd4fe66cbd6732f05e25.jpgManifestants du cortège « loutre jaune », le 25 mars 2023 à Sainte-Soline (Deux-sèvres).  Les manifestants étaient divisés en trois cortèges distincts : « outarde rose » , « loutre jaune » et « anguille turquoise ». Manifestants du cortège « loutre jaune », le 25 mars 2023 à Sainte-Soline (Deux-sèvres). Les manifestants étaient divisés en trois cortèges distincts : « outarde rose » , « loutre jaune » et « anguille turquoise ». THIBAUD MORITZ / AFP

Six équipes (22 membres) des observatoires des libertés publiques et des pratiques policières de Poitou-Charente, de Toulouse, de Gironde, de Paris et de Seine-Saint-Denis étaient présentes du 24 au 26 mars à Sainte-Soline. Ils témoignent dans leur rapport d’un « bouclage ultra-sécuritaire de la zone avec des barrages routiers assortis de contrôles d’identité et de fouilles de véhicules généralisés, ainsi que la présence d’un camion doté d’un dispositif de renseignement ». Pourtant, les manifestants parviennent à contourner les barrages installés par la gendarmerie, les tracteurs de la Confédération paysanne coupant à travers champ.

Le lendemain, le mode opératoire des Soulèvements de la terre est présenté sous la forme d’un jeu, la « course bye-bye bassines ». Les manifestants sont divisés en trois cortèges distincts : « outarde rose » , « loutre jaune » et « anguille turquoise ». L’objectif affiché est simple : atteindre la bassine, qui n’est pas encore bâchée et ne contient donc pas d’eau, afin d’y planter un drapeau. Il n’a jamais été question d’installer une « ZAD » sur place, le lieu – au milieu des champs – ne s’y prêtant pas. Comme en 2022, l’idée de saboter une pompe est aussi dans l’air, ce qui serait fait sur le parcours de la manifestation.

 

Comment s’est déroulé l’affrontement ?

Le départ est donné à 10 h 15 pour les « rose », groupe qualifié de « plus pacifique » par la note de la gendarmerie, et environ trente minutes plus tard pour les deux autres cortèges. Parmi eux, selon les gendarmes, « 400 à 500 “black blocs” expérimentés et ultraviolents », qui se sont organisés « par groupes de 20 (avec des indicatifs radio « Citron », « Poisson »…) et se coordonnaient par talkies-walkies et mégaphones ». Des vidéos consultées par Le Monde confirment l’usage de ces appareils par les manifestants.

 

Ils entrent dans la « zone rouge » (la zone interdite aux manifestants) aux environs de midi et approchent de l’angle sud-ouest du chantier, « surveillés de manière constante par un à deux hélicoptères », selon le rapport de la Ligue des droits de l’homme. L’ambiance, qui était jusque-là festive – des militants de la Confédération paysanne ont même entrepris de planter des haies le long du parcours – change brutalement.

 

Selon les récits des manifestants et des reporters du Monde, ils essuient les premières salves de grenades lacrymogènes aux alentours de 12 h 30, tirées notamment par les équipes de gendarmes en quads. Les cortèges continuent néanmoins leur avancée. Sur les vidéos tournées par drone que Le Monde a pu consulter, on distingue les trois formations de manifestants marcher en ordre dispersé, certains courant, d’autres formant des groupes compacts, alors qu’ils essuient une pluie de « tirs massifs et indiscriminés », selon les observateurs des libertés publiques et des pratiques policières, de grenades lacrymogènes, gaz que le vent disperse rapidement.

 

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Unités mobiles de la gendarmerie en quad, le 25 mars 2023 à Sainte-Soline (Deux-Sèvres). « Sans cette manœuvre sur les flancs et les arrières pour enrayer la dynamique des émeutiers, décrypte un officier de gendarmerie mobile, il y aurait eu beaucoup plus de casse. » Unités mobiles de la gendarmerie en quad, le 25 mars 2023 à Sainte-Soline (Deux-Sèvres). « Sans cette manœuvre sur les flancs et les arrières pour enrayer la dynamique des émeutiers, décrypte un officier de gendarmerie mobile, il y aurait eu beaucoup plus de casse. » THIBAUD MORITZ / AFP

Affrontements à Sainte-Soline (Deux-Sèvres), le 25 mars 2023. https://jpcdn.it/img/158cbf40001531e66ff3ca23fa47684f.jpg
Affrontements à Sainte-Soline (Deux-Sèvres), le 25 mars 2023. THIBAUD MORITZ / AFP

L’affrontement le plus dur a lieu à l’angle sud-ouest de la bassine, où se concentrent les manifestants les plus déterminés, qui lancent des pierres, des cocktails Molotov et tirent des mortiers d’artifice. Ils parviennent à incendier plusieurs véhicules de gendarmerie. Cette séquence de bataille rangée violente a duré peu de temps, et vers 14 heures, les manifestants ont commencé à refluer.

 

Qui étaient les manifestants ?

Les participants au rassemblement – 20 000 à 30 000 selon les organisateurs, 6 000 selon la police – sont de profils et d’âges très divers : des habitués des manifestations, parfois sexagénaires, des syndicalistes de la Confédération paysanne, des militants politiques du Nouveau Parti anticapitaliste ou des associatifs de Greenpeace. Les jeunes, âgés de 20 à 30 ans, étaient très nombreux. Plusieurs personnalités politiques de gauche ont également fait le déplacement. Ils côtoient des éléments plus radicaux, que le ministère de l’intérieur évalue dans une note de « 800 à 1 000 » personnes. Les images produites par la gendarmerie nationale montrent des manifestants très équipés : boucliers artisanaux, masques filtrants, raquettes de tennis pour renvoyer les grenades…

 

Depuis plusieurs semaines, la DGSI a multiplié les échanges avec ses partenaires européens après avoir constaté des déplacements de membres des Soulèvements de la terre en Belgique, en Suisse, en Allemagne ou en Italie pour « mobiliser ». Les services de renseignement estiment à « plusieurs dizaines » les étrangers qui ont rejoint Sainte-Soline, parmi lesquels « quelques-uns seulement, Italiens pour la plupart », ont participé aux heurts. Un ressortissant suisse, signalé par le renseignement de son pays pour avoir déjoué une interdiction de quitter le territoire, a également été interpellé à proximité de Sainte-Soline, puis expulsé vers son pays.


L’usage de la force était-il « proportionné » ?

Face au risque jugé majeur de cette manifestation interdite, le ministère de l’intérieur aligne un impressionnant dispositif : 20 escadrons de gendarmes mobiles, neuf hélicoptères, quatre véhicules blindés, quatre canons à eau. Le gros du dispositif des forces de l’ordre a été positionné dans une stratégie du « fortin », avec des troupes et des véhicules répartis tout autour de la bassine. Quarante « PM2I » sont présents : des duos de gendarmes montés sur un quad, l’un conduisant et l’autre prêt à intervenir, pour permettre plus de mobilité. Deux de ces gendarmes font l’objet d’une enquête de l’Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGPN) après avoir fait usage de leur lanceur de balles de défense (LBD, Flash-Ball) en roulant, ce qui est prohibé.

 

Les scènes filmées par les nombreux journalistes et militants sur place tiennent du film de guerre ou de l’épopée médiévale, avec cette charge de manifestants courant vers la bassine au milieu des nuages de gaz lacrymogènes, ou ces escadrons de gendarmes opérant des mouvements tournants sur leurs quads. « Sans cette manœuvre sur les flancs et les arrières pour enrayer la dynamique des émeutiers, décrypte un officier de gendarmerie mobile, il y aurait eu beaucoup plus de casse : le bloc était soudé et organisé pour faire très mal. »

 

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Unités de gendarmerie en quad, à Sainte-Soline (Deux-Sèvres), le 25 mars 2023. Unités de gendarmerie en quad, à Sainte-Soline (Deux-Sèvres), le 25 mars 2023. YVES HERMAN/REUTERS https://jpcdn.it/img/016b2ba2b73b3a795bdd31dcdf553eb2.jpgManifestants à Sainte-Soline (Deux-Sèvres), le 25 mars 2023. Manifestants à Sainte-Soline (Deux-Sèvres), le 25 mars 2023. YVES HERMAN / REUTERS

Le décompte, par la préfecture, des munitions tirées, démontre l’âpreté du conflit : 5 015 grenades lacrymogènes ont été employées – de nombreuses images montrent des grenades GM2L à l’utilisation restreinte –, mais également 89 grenades de désencerclement ou 40 grenades ASSD assourdissantes. Les observateurs des libertés publiques et des pratiques policières ont fustigé l’usage d’« armes relevant des matériels de guerre », et un « dispositif qui a mis gravement en danger l’ensemble des personnes présentes sur place, occasionnant de très nombreuses blessures souvent graves ».

 

Que sait-on des deux « scènes » où ont été blessés les deux manifestants les plus gravement atteints ?

Les gendarmes disent avoir également tiré à 81 reprises au LBD. Mickaël Boulay, l’un des deux manifestants les plus grièvement blessés, est touché à la tête au début des affrontements, aux alentours de 13 heures. Un médecin sur place témoigne, SMS à l’appui, avoir contacté le SAMU à 13 h 15, ce que le rapport de la préfecture dément.

 

Le manifestant le plus gravement touché, Serge Duteuil-Graziani, l’a été à la fin de la manifestation, selon les déclarations au Monde d’un témoin qui a souhaité rester anonyme, « Tom » : « J’étais à un ou deux mètres de lui. Son casque a explosé et il est tombé par terre, inconscient, dans une mare de sang. Je ne l’ai jamais quitté des yeux. On a immédiatement appelé les « médics » (volontaires prodiguant les premiers soins). Nous sommes quatre ou cinq à le ramasser. Je le prends au niveau des épaules. On le recule de 15-20 mètres et les médics font les premiers constats : pouls, tension, mise en position latérale de sécurité… » D’après Tom, Serge Duteuil-Graziani perd son sang de blessures à la tête, au niveau des tempes, de la bouche et des oreilles. « On devait changer les compresses tout le temps. » Il explique avoir dû attendre une heure et demie avant que les secours n’arrivent.

 

Quel est le bilan des deux côtés ?

La préfecture ne recense officiellement que « 17 blessés, dont 2 graves, chez les manifestants », mais reconnaît que ce chiffre est partiel. « Il est probable que le chiffre réel se situe entre » celui-ci et les 200 blessés qu’annoncent les organisateurs, écrit la gendarmerie dans son rapport, car « de nombreux opposants radicaux ont préféré s’automédiquer ou aller consulter eux-mêmes les services hospitaliers ».

 

Les organisateurs évoqueront, parmi les 200 blessés, 40 « grièvement touchés », par des tirs de LBD et des éclats de grenade de désencerclement. Un bilan lourd pour 6 000 participants recensés par les autorités. Outre les deux manifestants tombés le coma – Mickaël Boulay en est, depuis, sorti –, une jeune femme a eu le visage sévèrement atteint. Trois journalistes ont également été blessés – au moins deux à cause de tirs venant des manifestants –, dont deux ont dû être évacués.

 

Marine Tondelier, la secrétaire nationale d’EELV, qui était sur place, fait au Monde le récit d’une « zone de guerre », avec des camions de gendarmes en feu, une pluie de grenades et plusieurs blessés au sol sur un talus. « Avec nos écharpes bien visibles, nous formons un cordon humain pour protéger les blessés et signaler leur présence mais les quads se sont rapprochés à moins de cinq mètres et une grenade a éclaté à proximité immédiate de la jeune fille [au visage sévèrement atteint], touchant ses membres inférieurs. Son déplacement dans la précipitation a été très douloureux. Elle pleurait. Nous étions très inquiets pour son état de santé. » Elle sera finalement évacuée par le SAMU.

 

Les forces de l’ordre recensent de leur côté 47 gendarmes blessés, dont six ont fait l’objet d’une évacuation médicale, sans que leur pronostic vital soit engagé et que la nature de leurs blessures soit précisée. La quasi-totalité des blessés étaient des gendarmes mobiles positionnés en défense du périmètre.

Les secours ont-ils été entravés et si oui pourquoi ?

La polémique a fait rage sur la question de l’accès des secours à la zone, avec de multiples témoignages disant que les secours n’arrivaient pas, malgré les appels. « Tom » l’affirme au Monde : « Il y eut un premier appel pour que les secours viennent le chercher mais les gendarmes ne laissaient pas passer les ambulances. »

A Sainte-Soline (Deux-Sèvres), le 25 mars 2023.
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A Sainte-Soline (Deux-Sèvres), le 25 mars 2023. THIBAUD MORITZ / AFP

Dans un enregistrement, auquel Le Monde a eu accès, le régulateur du SAMU explique bien qu’il « n’enverra pas d’hélico ou de SMUR sur place, parce qu’on a ordre de ne pas en envoyer par les forces de l’ordre », car « c’est considéré comme étant dangereux sur place ». Cette règle consistant à ne pas intervenir en « zone d’exclusion » pour ne pas compromettre l’intégrité physique des soignants est habituelle en pareil cas et fait même l’objet de protocoles départementaux entre les forces de police ou de gendarmerie et les services de secours. En revanche, les reporters présents, comme les observateurs des libertés publiques, attestent que la situation était alors redevenue plus calme après deux heures d’affrontements violents et que l’un des blessés au moins se trouvait hors du périmètre à risque. La gendarmerie, elle, fait valoir qu’un médecin militaire s’est rendu auprès d’un blessé, en sus d’autres moyens. « On a des motards qui ont escorté des secours pour aller sur place, on a médicalisé des hélicoptères (…) afin d’évacuer des blessés », a affirmé Christian Rodriguez, directeur général de la gendarmerie nationale, sur BFM-TV, vendredi 31 mars.

 

Quelles suites judiciaires et administratives ?

Dans son bilan, la gendarmerie évoque 88 enquêtes judiciaires ouvertes « en flagrance », donc suite à des constats sur place, mais cinquante-deux d’entre elles font suite à des plaintes déposées par des gendarmes pour des blessures. Dix-huit personnes ont été placées en garde à vue à la suite des événements.

La gendarmerie a par ailleurs ouvert quatre procédures pour rechercher les causes de blessures sur des manifestants, dont Serge Duteuil-Graziani et Mickaël Boulay. C’est dans ce cadre que, selon les familles, des gendarmes sont venus dans les chambres des blessés pour saisir leurs vêtements. Les familles de ces deux blessés graves ont déposé une plainte pour « tentative de meurtre ».


Selon nos informations, un autre manifestant blessé s’apprête également à porter plainte. Enfin, un appel à témoignages a été lancé afin de les recueillir et opérer une saisine du défenseur des droits, assurent deux membres de l’équipe juridique mise en place par le mouvement.

 

Gérald Darmanin, de son côté, a annoncé mardi 28 mars son intention de prononcer la dissolution administrative du mouvement des Soulèvements de la terre.