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Pour compléter sa retraite, le boss de FO Marseille a perçu 2 000 euros par mois du syndicat

En janvier 2022, le dirigeant du syndicat incontournable dans la gestion de la ville s’est vu attribuer un forfait mensuel, pour compenser la perte de revenus liée à son départ à la retraite. Une possibilité qui n’est pas mentionnée dans les statuts du syndicat.

Benoît Gilles et Suzanne Leenhardt (MarsActu)

10 mai 2023 à 17h06

 

Dans le privé, on appellerait cela un parachute doré. Mais, au sein du syndicat général des agents territoriaux force ouvrière (FO) de la ville de Marseille, le matelas financier a été octroyé alors que le principal concerné n’a pas lâché la barre.

 

En 2022, le syndicat, ultra-majoritaire et omniprésent dans la gestion de la ville, même si sa mainmise s’effiloche, a versé près de 2 000 euros par mois à Patrick Rué, son secrétaire général, pour compenser son départ à la retraite de son poste d’agent de la ville.

 

Une disposition exceptionnelle qui n’est pas prévue par les statuts du syndicat, et qui, selon nos informations, n’a pas été validée par les instances de l’organisation, hors le cercle restreint de ses fidèles. La décision a été prise en janvier 2022, au cours d’une réunion durant laquelle le secrétaire général était entouré de ses adjoints, Michel Karabadjakian, Patrice Ayache et Karima Friga, et de Jacques Huser, le trésorier du syndicat.

 

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Pendant une manifestation contre la réforme des retraites, à Marseille le 11 mars 2023. © Photo Christophe Simon / AFP

 

Ce jour-là, la réunion porte sur la situation comptable du syndicat. L’essentiel des ressources de l’organisation provient des cartes d’adhésion que paye chaque agent. Le syndicat perçoit également des subventions de la ville et de la métropole, pour plus de 30 000 euros annuels. L’année 2021 a été bonne puisque le syndicat a tenu son congrès, l’occasion de faire « rentrer des cartes » et d’assurer l’assise et la pérennité de l’organisation, tant du point de vue financier que du nombre d’adhérents.

 

En revanche, 2021 a été plus compliquée pour Patrick Rué. Passé au grade d’ingénieur dans les dernières années de sa carrière, le militant syndical a été contraint de faire valoir ses droits à la retraite en mars 2021, alors qu’il avait obtenu du maire de Marseille, Benoît Payan, l’assurance d’être prolongé au-delà de l’âge légal de départ. Mais le journal Le Ravi a dévoilé le petit arrangement pris entre le jeune maire et le vieux routard du syndicalisme municipal, rendant impossible son maintien.

 

Nous n’avons pas trouvé trace d’une validation de la démarche par d’autres instances statutaires du syndicat, comme le bureau ou la commission exécutive.

 

Patrick Rué est resté en poste jusqu’à la fin de l’année 2021 en gardant son statut d’agent actif, anciennement du service parcs et jardins. Mais, en janvier 2022, le sursis administratif prend fin : le secrétaire général est officiellement à la retraite. Comme tout pensionné, Patrick Rué connaît donc une baisse de revenus.

Lui et ses adjoints décident alors de compenser ce trou d’air financier en mettant en place un forfait de 2 000 euros mensuels pour couvrir les frais liés à l’exercice de la fonction de secrétaire général du syndicat.

Pour se couvrir, le trésorier du syndicat demande à ce que la décision fasse l’objet d’un compte-rendu. En revanche, nous n’avons pas trouvé trace d’une validation de la démarche par d’autres instances statutaires du syndicat, comme le bureau ou la commission exécutive. À notre connaissance, cette décision n’a pas non plus été validée par la commission de contrôle des finances qui vérifie les comptes chaque année.

 

En interne, Patrick Rué dit s’appuyer sur des pratiques en vigueur dans d’autres syndicats, mais à notre connaissance, les élus syndicaux, même de premier rang, sont tous rémunérés par leurs employeurs, qui leur accordent un détachement syndical. Et ce, même lorsqu’ils sont à la tête d’une union départementale, l’instance interprofessionnelle qui fédère les différentes branches au niveau local.

 

À l’union départementale FO des Bouches-du-Rhône, Franck Bergamini est toujours payé par la Sécurité sociale, son employeur. Tout comme son homologue de la CGT, Olivier Mateu, ancien fonctionnaire du conseil départemental.

 

La situation de Patrick Rué en 2022 est donc exceptionnelle. Mois après mois, il a perçu ce forfait qui, d’après nos informations, a été ventilé sur différents postes comptables, pour un montant global de près de 24 000 euros. La somme correspond à un peu moins de 20 % des ressources totales du syndicat, principalement issues des cotisations des adhérents au syndicat.

 

Joint par Marsactu, le trésorier du syndicat n’a pas souhaité commenter une telle démarche en renvoyant toute communication vers le secrétaire général. Ce dernier n’a pas répondu à nos sollicitations avant la publication de cet article.

 

Des cartes syndicales hors des clous

Patrick Rué semble par ailleurs s’affranchir des règles sur un autre dossier : les cartes et les timbres d’adhésion, une base intangible du fonctionnement de la confédération. Historiquement, une adhésion à FO repose sur deux piliers : une carte et un timbre mensuel, comme le précisent les statuts de la confédération, auxquels le syndicat doit se conformer.

 

De cette règle découle tout un système complexe de financement des strates des syndicats : L’Union départementale (UD13), la Fédération des services publics et la confédération. Ce système, utilisé aussi par la CGT, permet « que le robinet d’argent coule du bas vers le haut », illustre un connaisseur, ce qui laisse plus d’autonomie aux différentes organisations.

 

Or, en 2021, lors du dernier congrès des territoriaux, de nouveaux statuts ont été adoptés et toute mention des timbres a disparu. À Marseille, un éboueur de catégorie C paie désormais 135 euros pour s’acquitter de sa carte, sur laquelle figure désormais un autocollant unique.

Le secrétaire général de la fédération FO des services publics, Dominique Régnier, se dit surpris de la mise en place de ce timbre unique et indique que « ce n’est pas statutaire ». Ce nouveau dispositif crée une opacité sur le nombre d’adhérents réels, comme sur les ressources qu’en tire le syndicat, vis-à-vis des autres instances de la confédération.

 

Benoît Gilles et Suzanne Leenhardt (MarsActu)