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Mort de Nahel : l’État renforce le dispositif sécuritaire

Trois jours après la mort de Nahel à Nanterre, Emmanuel Macron a présidé vendredi une nouvelle cellule interministérielle de crise, appelant « tous les parents à la responsabilité » et rejetant la faute sur les réseaux sociaux et les jeux vidéo. Le gouvernement a demandé aux préfets d’arrêter la circulation des bus et des tramways dans toute la France après 21 heures et a annoncé le déploiement de blindés de la gendarmerie.

La rédaction de Mediapart

30 juin 2023 à 18h03

 

Emmanuel Macron annonce « des moyens supplémentaires »

Emmanuel Macron a dénoncé vendredi « une instrumentalisation inacceptable de la mort d’un adolescent » et annoncé que « des moyens supplémentaires » allaient être déployés par le ministre de l’intérieur après trois nuits de révoltes urbaines à la suite du décès du jeune Nahel, lors d’un contrôle policier à Nanterre (Hauts-de-Seine).

« Face à cela, je condamne avec la plus grande fermeté toutes celles et ceux qui utilisent cette situation et ce moment pour essayer de créer le désordre et d’attaquer nos institutions. Ils portent une responsabilité de fait accablante. Et je condamne avec la plus grande fermeté, nous les condamnons tous, ces violences pures et injustifiables qui n’ont aucune légitimité », a déclaré le chef de l’État en conclusion de la réunion de la cellule interministérielle de crise qui s’est tenue vendredi au ministère de l’intérieur.

 

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Lors des affrontements avec la police après la marche blanche en hommage à Nahel à Nanterre, le 29 juin 2023. © Photo Alain Jocard / AFP

La première ministre Élisabeth Borne a quant à elle annoncé le déploiement de véhicules blindés de la gendarmerie. Des « forces mobiles supplémentaires » vont en outre être déployées, a précisé Matignon à l’Agence France-Presse (AFP), ajoutant que des « événements de grande ampleur mobilisant des effectifs et pouvant présenter des risques d’ordre public en fonction des situations locales » seraient annulés.

Dans la nuit de jeudi à vendredi, les forces de l’ordre ont procédé à 875 interpellations, dont 408 à Paris et sa proche banlieue, selon le bilan définitif du ministère de l’intérieur.

Dans un message adressé aux policiers, gendarmes, sapeurs-pompiers et policiers municipaux, Gérald Darmanin salue le « courage », le « sang-froid » et le « professionnalisme » dont ceux-ci ont fait preuve au cours des derniers jours, marqués par des « troubles d’une rare violence, dont les symboles de la Républiques sont les cibles ». « Mes instructions sont claires : priorité absolue est donnée au rétablissement de l’ordre républicain, à la protection des personnes et des biens publics et privés », martèle le ministre de l’intérieur dans un courrier diffusé sur Twitter.

 

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© Compte Twitter de Gérald Darmanin

Aux forces de l’ordre et sapeurs-pompiers Gérald Darmanin promet des « renforts humains et matériels » et annonce des « prochaines heures déterminantes ». « Les interpellations très nombreuses que vous réalisez sont la marque de votre grand engagement et de votre courage, développe le ministre. Vous le savez, cette minorité de délinquants ne représente pas l’immense majorité des habitants des quartiers populaires, que je connais bien. »

 

L’exécutif rejette la faute sur les réseaux sociaux et les jeux vidéo

Le président de la République a également appelé « tous les parents à la responsabilité », lesquels, selon lui, doivent garder leurs enfants à la maison.

« Il est clair que le contexte que nous vivons, on le voit, est la résultante de groupes parfois organisés, violents et équipés, que nous condamnons, que nous appréhendons et qui seront judiciarisés, mais également de beaucoup de jeunes. Un tiers des interpellés de la dernière nuit sont des jeunes, parfois des très jeunes », a observé Emmanuel Macron.

« C’est la responsabilité des parents de les garder au domicile. Donc il est important pour la quiétude de tous que la responsabilité parentale puisse clairement s’exercer. La République n’a pas vocation à se substituer à eux », a-t-il poursuivi.

Il a également dit attendre un « esprit de responsabilité » des grandes plateformes des réseaux sociaux, citant notamment Snapchat et TikTok, où s’organisent « des rassemblements violents » et qui suscitent « aussi une forme de mimétisme de la violence, ce qui conduit chez les plus jeunes à une forme de sortie du réel ».

« On a le sentiment parfois que certains d’entre eux vivent dans la rue les jeux vidéo qui les ont intoxiqués », a estimé Emmanuel Macron.

Une réunion entre le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin, celui du numérique Jean-Noël Barrot et les plateformes numériques se tient vendredi soir Place Beauvau, afin « d’alerter » ces dernières « sur leur responsabilité » dans les violences urbaines.

Ce rendez-vous permettra aussi de demander « l’appui » de ces plateformes, comme Twitter, Snapchat ou TikTok, « notamment pour identifier les utilisateurs de réseaux sociaux qui participent à la commission d’infractions », ont ajouté les services de la première ministre.

 

Darmanin demande la mise à l’arrêt des bus et tramways dans tout le pays après 21 heures

Gérald Darmanin a demandé vendredi aux préfets l’arrêt des bus et tramways dans toute la France à partir de 21 heures. Le ministre leur a aussi demandé la « prise systématique d’arrêtés d’interdiction de vente et de transport » de mortiers d’artifice, de bidons d’essence, d’acides et de produits inflammables et chimiques.

Plus tôt dans la journée, Île-de-France Mobilités (IDFM), l’autorité chargée d’organiser les transports dans la région capitale, a annoncé que tous les bus et tramways seront interrompus à 21 heures au plus tard « tous les soirs jusqu’à nouvel ordre ». Cette mesure est prise « pour la sécurité des agents et des voyageurs », a expliqué IDFM.

 

Incidents dans le centre-ville de Strasbourg, un Apple Store vandalisé

Des incidents se sont produits vendredi en plein après-midi dans le centre-ville de Strasbourg, où un magasin Apple Store a notamment été vandalisé.

Dans un premier temps, le centre commercial des Halles, à proximité de la grande île, a été bouclé par crainte de débordements. De nombreuses bandes de jeunes se sont alors rassemblées sur la place Kléber, en plein centre-ville, où un magasin Apple Store a été vandalisé.

« Ils ont cassé deux des vitrines, et on a vu des bandes de jeunes entrer, sortir, entrer, sortir en essayant de voler des magasins d’exposition », a raconté à l’AFP Corentin Flinck, qui travaille dans un magasin adjacent.

 

© Compte Twitter La Presse Libre

Le magasin Apple possède une façade donnant sur la place Kléber, et l’autre côté ouvre sur une galerie commerciale.

« Rapidement la police est intervenue avec des gaz lacrymogènes mais les gaz sont entrés dans les magasins de la galerie et on a dû mettre à l’abri plusieurs clients », a ajouté M. Flinck.

De nombreux policiers ont pris place devant l’Apple Store et aux alentours. Plusieurs fortes explosions ont été entendues aux abords du magasin.

Les Galeries Lafayette, qui donnent également sur la place Kléber, ont baissé leurs rideaux métalliques, de même que plusieurs autres magasins des alentours. À peu près au même moment, une voiture de police a été pillée et dégradée près de la place des Halles.

L’entrée de l’Opéra de Strasbourg a également été vandalisée et l’institution a annoncé l’annulation de son spectacle de vendredi soir : « En raison des évènements de ce jour, nous avons le regret de vous informer que la représentation de Spectres d’Europe prévue ce soir est annulée », a écrit sur Twitter l’Opéra national du Rhin.

 

La gauche dénonce la « menace de sédition » contenue dans un communiqué de syndicats de police

Plusieurs responsables de gauche, dont Jean-Luc Mélenchon (La France insoumise – LFI) et Marine Tondelier (Europe Écologie-Les Verts – EELV), ont dénoncé vendredi un communiqué des syndicats de police Alliance police nationale et Unsa police qui, selon eux, est une « menace de sédition » et un « appel à la guerre civile ».

Se disant « en guerre », Alliance, syndicat majoritaire des gardiens de la paix, et Unsa police appellent dans ce communiqué au « combat » contre les « nuisibles » et les « hordes sauvages », qui prennent part aux émeutes nocturnes après la mort du jeune Nahel.

Ils préviennent : « Demain nous serons en résistance et le gouvernement devra en prendre conscience. »

 

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© Compte Twitter Unsa Police

« Les “syndicats” qui appellent à la guerre civile doivent apprendre à se taire. On a vu les comportements meurtriers sur lesquels débouchent ce genre de propos », a tweeté Jean-Luc Mélenchon. L’ancien candidat à la présidentielle de LFI a appelé le « pouvoir politique » à « reprendre en main la police », et conclu : « Ceux qui veulent le calme ne jettent pas de l’huile sur le feu. »

De son côté, le député insoumis François Ruffin s’est insurgé : « Des syndicats de police se disent “en guerre”, et préparent la “résistance”, y compris contre le gouvernement. » « Maintenant, c’est bon, on peut dire qu’il y a un problème structurel dans la police ? Ce texte est un appel à la guerre civile », a critiqué la secrétaire nationale d’EELV Marine Tondelier.

« Le communiqué de presse du syndicat de police Alliance est une menace de sédition », a estimé pour sa part la députée écologiste Sandrine Rousseau. Sa collègue insoumise Nadège Abomangoli a regretté : « Loin de tout apaisement, [le communiqué] opte pour le champ lexical de la guerre, animalise les citoyens de banlieue et menace le gouvernement de représailles. Les factieux ne se cachent même plus. »

« Ce qui est le plus important, c’est le début du communiqué, où l’on dit qu’on doit être sur le terrain vu la situation et ne pas déposer les armes », explique à l’AFP Thierry Clair, de l’Unsa police. Une lettre-type de « restitution de l’arme administrative », prête pour signature, circule depuis jeudi entre certains policiers, qui estiment ne pas bénéficier d’une protection juridique suffisante en cas d’ouverture du feu. « Quand on dit qu’on entrera en résistance, c’est pour dire qu’on se battra ensuite pour une meilleure protection juridique des policiers », a-t-il ajouté, démentant toute volonté de sédition.

Dans un message sur Twitter, le secrétaire général de l’Unsa, Laurent Escure, a critiqué ce communiqué. « La défense catégorielle d’une profession, même sincère, n’autorise pas à déroger par les mots aux valeurs qui font notre République et qui fondent l’Unsa. Je redis la peine de l’Unsa après la mort de Nahel. Nous appelons au calme et à la fin des violences », a-t-il écrit.

 

Les concerts de Mylène Farmer au Stade de France annulés, tout comme les fêtes dans les écoles franciliennes

Les concerts de la superstar Mylène Farmer prévus vendredi et samedi soir au Stade de France à Saint-Denis ont été annulés pour permettre aux forces de l’ordre de se déployer ailleurs afin de faire face aux émeutes, a annoncé la préfecture de Seine-Saint-Denis.

Selon une source policière, cette annulation a été décidée à la demande des élu·es du département. Ses concerts au Stade de France intervenaient quatre ans après sa résidence à La Défense-Arena et dix ans après sa dernière tournée baptisée « Timeless », et devaient rassembler 80 000 spectateurs et spectatrices par soir.

Par ailleurs, toutes les fêtes dans les collèges et lycées de l’académie de Versailles, la plus grosse de France, sont annulées jusqu’à la fin de l’année scolaire, tandis que le maintien des kermesses, pour les écoles, sera décidé « au cas par cas », selon un message vendredi de l’académie envoyé aux chefs d’établissement.

La décision a été prise « dans le contexte actuel de fortes tensions suite au drame de Nanterre », selon le message de la rectrice. L’académie de Versailles comprend quatre départements de banlieue parisienne, dont les Hauts-de-Seine où se trouve la ville de Nanterre.

Pour les seuls Hauts-de-Seine, « tous les événements devant se dérouler hors du temps scolaire », dont les kermesses et fêtes, sont annulés vendredi, selon un autre message du directeur de l’éducation nationale dans le département (Dasen). « Dans le premier degré, une réévaluation sera faite en début de semaine prochaine », est-il précisé.

Contacté par l’AFP, le ministère de l’éducation nationale indique qu’il n’y a « pas de consigne nationale donnée » aux établissements scolaires concernant l’organisation des fêtes de fin d’année.

Le ministre Pap Ndiaye a appelé jeudi soir les recteurs d’académie à « la vigilance » et la « sécurisation des bâtiments », demandant aussi, « pour les écoles les plus touchées, de vérifier que la continuité pédagogique soit bien assurée ».

 

La France doit se pencher sur les profonds problèmes de racisme parmi les forces de l’ordre, selon l’ONU

L’ONU a demandé vendredi à la France de se pencher sérieusement sur les problèmes de racisme et de discrimination raciale au sein de ses forces de l’ordre. « C’est le moment pour le pays de s’attaquer sérieusement aux profonds problèmes de racisme et de discrimination raciale parmi les forces de l’ordre », a déclaré Ravina Shamdasani, porte-parole du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme, lors du point de presse régulier de l’ONU à Genève.

Après trois nuits d’émeutes un peu partout en France qui ont fait d’importants dégâts matériels, l’ONU appelle « les autorités à garantir que le recours à la force par la police pour s’attaquer aux éléments violents lors des manifestations respecte toujours les principes de légalité, de nécessité, de proportionnalité, de non-discrimination, de précaution et de responsabilité », a souligné la porte-parole.

« Toute accusation de racisme ou de discrimination systémiques par les forces de l'ordre en France est totalement infondée », a réagi le ministère français des affaires étrangères, dans un communiqué.