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Quatrième nuit après la mort de Nahel : davantage de policiers n’empêchent pas de nouveaux affrontements

Trois jours après la mort du jeune homme à Nanterre, victime d’un tir policier, Emmanuel Macron a présidé vendredi une nouvelle cellule de crise, appelant « tous les parents à la responsabilité » et rejetant la faute sur les réseaux sociaux et les jeux vidéo. Le gouvernement a annoncé la mobilisation de « moyens exceptionnels ». Dès le début de soirée, les affrontements ont à nouveau démarré, alors que BFM TV diffusait le témoignage accusateur d’un passager de la voiture au moment du drame, et que les Bleus appelaient au calme.

La rédaction de Mediapart

30 juin 2023 à 18h03

 

 

Rassemblement interdit à Paris, affrontements à Lyon, pillages à Grenoble

À Paris, un rassemblement était prévu place de la Concorde vendredi 30 juin vers 20 h 30, afin de réclamer « justice pour Nahel ». La préfecture de police l’a interdit juste au moment où il devait démarrer. Selon les reporters Clément Lanot et Rémy Buisine (Brut), présents sur place, les manifestant·es ont pour la plupart refusé de se disperser dans un premier temps, créant des tensions avec les policiers. Des interpellations ont eu lieu.

 

De nombreux petits cortèges se sont ensuite formés dans les rues de la capitale, au son de « Justice pour Nahel ! ». La police n’était pas en mesure de tous les disperser, mais elle a procédé à une démonstration de force dans le quartier des Halles, où des pillages avaient visé plusieurs magasins la nuit précédente, sans intervention notable des forces de l’ordre pendant plusieurs heures. Face aux policiers déployés cette nuit, il n’y avait cependant que très peu de manifestant·es dans le quartier, comme l’attestent sur place notre journaliste Martine Orange et d’autres reporters.

Aux alentours de minuit, les préfectures des départements d’Île-de-France ne relevaient pas de tensions trop fortes. Seules quelques interpellations, une poignée de tirs de mortiers et des feux de poubelle avaient été signalés jusque-là. 

 

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Des CRS à Lyon, dans la soirée du 30 juin. © Photo Jeff Pachoud / AFP

À Lyon, un appel à rassemblement avait aussi été lancé place des Terreaux, devant l’Hôtel de ville, malgré l’interdiction par la préfecture de toute manifestation jusqu’à samedi matin. Cela n’a pas empêché des personnes de commencer à affluer vers 20 heures. « Pas de paix, pas de justice », « Soulèvements de la terre et des banlieues », « police raciste », « Pour Nahel »... scandait la foule.

Moins de trente minutes après, des CRS ont envoyé de nombreuses grenades de gaz lacrymogènes, et la place s’est vidée. À proximité, des affrontements ont démarré et étaient toujours en cours une heure plus tard. Les forces de l’ordre répliquent par des gaz lacrymogènes à des tirs de mortiers d’artifice lancés par des manifestants cagoulés, a constaté l’AFP sur place. Une barricade enflammée a aussi été dressée.

Une fois la nuit tombée, les tensions ont progressé dans les quartiers et les communes alentours. Selon le journaliste de Lyon Mag Julien Damboise, le commissariat de la Croix-Rousse a été victime d’un « saccage ». La préfecture du Rhône a annoncé dans la nuit que le Raid et la BRI intervenaient dans le centre-ville « pour mettre un terme aux attaques contre les commerces ». Non loin, à Vénissieux, des CRS sont pris à partie par plusieurs dizaines d’individus, a indiqué la préfecture. Villeurbanne ou Saint-Fons ont aussi connu des affrontements.

À Grenoble, des dizaines de jeunes gens encagoulés s’étaient aussi rassemblés en début de soirée dans le centre, dont certains portant des chaussures et des articles de sport pillés dans des magasins. Là aussi, des tirs de mortiers d’artifice répondaient aux grenades lacrymogènes. Des poubelles et des vélos ont été incendiés. Un peu plus tôt des voitures s’étaient déjà embrasées dans un quartier périphérique, selon des images du quotidien régional Le Dauphiné.

 

Marseille à nouveau théâtre de violents heurts

Pendant les révoltes de 2005, après la mort de Zyed Benna et Bouna Traoré à Clichy-sous-Bois, Marseille s’était tenue à l’écart des troubles. En 2023, cette mise à distance n’aura pas duré plus de deux nuits. Après des affrontements durs jusqu’au centre-ville dans la nuit de mercredi à jeudi, les tensions sont réapparues dans la soirée du vendredi 30 juin.

 

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À Marseille, Porte d’Aix, le 30 juin en début de soirée. © Photo Christophe Simon / AFP

Projectiles lancés contre des voiture de police par des jeunes masqués d’un côté, tirs de lacrymogènes de l’autre, trottinettes brûlées… Vers 22 heures, la police a annoncé avoir procédé à 49 interpellations et décrit des petits groupes, très mobiles, dont certains « tentent des pillages » dans plusieurs rues de la ville. Deux policiers ont été blessés légèrement, selon l’Agence France-Presse.

Le maire de Marseille Benoît Payan a dénoncé vers 23 h 30 « les scènes de pillages et de violence » dans sa ville. « Je condamne avec une totale fermeté ces actes de vandalisme et demande à l’État l’envoi immédiat de forces de maintien de l’ordre supplémentaires », a-t-il indiqué.

 

« Le temps de la violence doit cesser », demandent les Bleus

Dans un communiqué publié ce vendredi soir sur leurs réseaux sociaux, un collectif de joueurs de l’équipe de France de football, dont la star Kylian Mbappé, appellent à « l’apaisement, à la prise de conscience et à la responsabilisation ». Ils dénoncent la mort de Nahel dans des circonstances « inacceptables », mais appellent également à « l’apaisement, à la prise de conscience et à la responsabilisation ».

 

« Comme tous les Français, nous avons été marqués et choqués par la mort brutale du jeune Nahel. Tout d’abord, nos pensées vont vers lui et sa famille à qui nous présentons nos sincères condoléances. Depuis ce tragique événement, nous assistons à l’expression d’une colère populaire dont nous comprenons le fond, mais dont nous ne pouvons cautionner la forme, écrivent les footballeurs. Issus pour beaucoup d’entre nous des quartiers populaires, ces sentiments de douleur et de tristesse, nous les partageons également. »

« Mais à cette souffrance s’ajoute celle d’assister impuissants à un véritable processus d’autodestruction. La violence ne résout rien, encore moins lorsqu’elle se retourne inéluctablement et inlassablement contre ceux qui l’expriment, leurs familles, leurs proches et leurs voisins », poursuit le communiqué.

« Ce sont vos biens que vous détruisez, vos quartiers, vos villes, vos lieux d’épanouissement et de proximité, avertissent les joueurs. Dans ce contexte d’extrême tension, nous ne pouvons rester silencieux et notre conscience citoyenne nous incite à appeler à l’apaisement, à la prise de conscience et à la responsabilisation. […] Le temps de la violence doit cesser pour laisser place à celui du deuil, du dialogue et de la reconstruction. »

Jusque-là, plusieurs joueurs de l’équipe de France, comme Kylian Mbappé, Jules Koundé ou Mike Maignan, avaient pris position pour dénoncer la mort du jeune homme mardi à Nanterre.

 

Le dernier passager de la voiture livre sa version, accusatrice, sur la mort de Nahel

Vendredi soir, BFM TV a annoncé avoir authentifié le témoignage audio du jeune homme qui se présente comme ayant été à bord de la voiture au moment où Nahel a été tué, le 27 juin. Il accuse les policiers d’avoir donné des coups de crosse au jeune de 17 ans tué par le tir policier, et de l’avoir menacé.

Son témoignage a été diffusé par la chaîne d’information en continu, après avoir été publié plus tôt dans la journée par Le Parisien.  Une version proche avait déjà été relayée la veille par écrit par le rappeur Rohff. 

D’après le jeune homme, qui se rendra lundi à une convocation de la police et qui semble lire son témoignage, Nahel, lui et un troisième « copain » s’étaient retrouvés mardi à 8 h 10 à bord de la Mercedes qui leur avait été prêtée. « On a décidé de faire un tour dans Nanterre. Au bout de quelques minutes, nous nous sommes retrouvés sur la voie de bus sur l'avenue Joliot Curie. Nous étions en train de rouler quand j'ai aperçu les motards de la police qui se sont mis à nous suivre », raconte-t-il.

Après avoir mis leur gyrophare, les policiers ont ensuite demandé aux jeunes d’arrêter le véhicule, ce qui a été fait.  Le préfet de police de Paris Laurent Nuñez avait expliqué dès le 27 juin que les policiers avaient auparavant tenté une première fois de contrôler le véhicule, qui ne s’était pas arrêté.

Le jeune homme affirme que le premier motard a lancé à Nahel, au volant : « Coupe le moteur ou je te shoote », et qu’il lui a donné un coup de crosse avec son pistolet. Le deuxième policier aurait lui aussi donné un coup de crosse.

Le témoignage se fait encore plus accusateur : « De là, le premier policier qui est au niveau de la fenêtre lui braque une arme sur la tempe et lui dit “bouge pas ou je te mets une balle dans la tête”. Le second policier lui dit “shoote-le”. Le premier policier lui remet un coup de crosse. »

L'ami de Nahel explique qu’après ce troisième coup, Nahel aurait lâché la pédale de frein. La voiture, à boîte de vitesse automatique, aurait alors avancé. « Le second policier qui était au niveau de pare-brise a tiré. Du coup, son pied a enfoncé l'accélérateur. Je l’ai vu agoniser, il tremblait. On a percuté une barrière », déclare le témoin, qui s’est enfui, craignant lui aussi d'être pris pour cible. C’est là que le troisième passager, mineur également, a été placé en garde à vue.

 

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