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“Je ne dors plus” : la fin du revenu de citoyenneté sème la confusion en Italie

À partir du 1er août, environ 169 000 familles transalpines cesseront de percevoir l’aide sociale destinée aux plus démunis. Si la mesure avait été annoncée il y a plusieurs mois par le gouvernement conservateur, la transition vers un nouveau système suscite de nombreuses de polémiques.

 

La droite italienne estime que la disparition du revenu de citoyenneté a pour but de lutter contre “l’assistanat”. Une femme à Naples, le 10 juillet 2023. Photo Ciro De Luca/REUTERS [Une photo qui pue!]

 

Le témoignage de Barbara, relayé par Avvenire, symbolise la détresse à laquelle font face certaines personnes ces derniers jours. “Jeudi après midi, j’ai reçu un SMS qui m’informait que mon revenu de citoyenneté serait suspendu à partir du 1er août, raconte au quotidien catholique cette femme de 35 ans. J’ai pensé à une erreur, mais on m’a dit que seules les personnes avec des fils mineurs ou avec un handicap bénéficieront dans le futur d’une mesure similaire. Pour ma part, je vais recevoir des informations pour poursuivre un parcours d’insertion au travail [elle est actuellement au chômage], mais je ne sais pas quelle indemnité je vais recevoir et quand. Depuis deux jours, je ne dors plus. Ma première pensée a été le loyer. Je ne peux pas me permettre de ne pas payer.”

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En fin de semaine dernière, comme Barbara, quelque 169 000 familles ont été informées qu’elles ne recevraient plus le revenu de citoyenneté. Introduite en 2018 par le Mouvement 5 Étoiles, cette prestation sociale plafonnée à 780 euros par mois à destination des citoyens ou des familles déclarant moins de 9 360 euros par an, a été abolie par le gouvernement de Giorgia Meloni.

Une décision annoncée dès les premiers mois de son mandat, fin 2022, mais qui, après une période transitoire, a commencé à se concrétiser ces derniers jours. Désormais, la colère et l’incompréhension animent certains ex-bénéficiaires, surtout à cause d’une communication officielle qui a pu prêter à confusion. Le message reçu évoque une “éventuelle prise en charge de la part des services sociaux”, pouvant faire penser à un possible prolongement de la prestation.

 

“Chèque d’inclusion” et “support pour la formation”

En réalité, il n’en sera rien. Progressivement, à l’horizon de la fin de l’année, les presque deux millions d’Italiens qui perçoivent le revenu de citoyenneté ne pourront plus bénéficier de cette aide, et seront divisés en deux catégories. D’un côté les familles dont les bas revenus leur permettaient d’accéder au revenu et qui sont composées d’au moins un mineur, une personne en situation de handicap ou une de plus de 60 ans ; et de l’autre, les familles qui ne correspondent à aucune des situations citées précédemment.

Pour les premiers, à partir de 2024, rien ne changera vraiment, puisque le “chèque d’inclusion”, une nouvelle prestation très similaire à la précédente remplacera la Revenu de citoyenneté. Mais pour les autres, rien ne sera comme avant, explique Il Post. “L’autre catégorie rassemble ces familles où l’on compte au moins une personne qui est considérée comme apte à travailler, et pour celles-là (qui reçoivent le SMS institutionnel en ce moment), le revenu de citoyenneté sera remplacé par un nouvel instrument : le ‘support pour la formation et le travail’”, détaille le site d’information.

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Problème, cette nouvelle prestation sera bien moins généreuse, puisqu’“il s’agit d’un chèque de 350 euros dont on pourra bénéficier pour un maximum de 12 mois sans possibilité de renouvellement”, note le média. Qui plus est, pour y prétendre, il faudra s’inscrire à une formation et pouvoir justifier d’un revenu annuel inférieur à 6 000 euros.

 

Une attaque contre le Sud ?

Pour cette deuxième catégorie de personnes donc, la disparition du revenu de citoyenneté représentera un changement de vie brutal. Si l’opposition dénonce une “lutte contre les pauvres”, pour cette éditorialiste de La Stampa, quelque chose d’autre est également en jeu.

“Si l’on regarde les chiffres, parmi les 1 985 000 bénéficiaires du revenu de citoyenneté, 1 445 000 se trouvent dans le Sud et les îles. C’est pourquoi je n’ai que peu de doutes, il s’agit là d’une opération contre les méridionaux”, assène le quotidien libéral, pour qui cette opération vise aussi à éliminer un mécanisme que la droite considérait comme une forme d’assistanat d’État en échange de voix.

 

https://www.courrierinternational.com/article/pauvrete-je-ne-dors-plus-la-fin-du-revenu-de-citoyennete-seme-la-confusion-en-italie

C’est là aussi l’opinion du quotidien conservateur Il Giornale, qui estime qu’en 2018 “le Mouvement 5 Étoiles avait gagné les élections, surtout au sud, grâce au revenu de citoyenneté”. Toutefois, il est temps de mettre un terme à cette logique, conclut le média milanais selon qui “il serait immoral de ne pas aider ceux qui sont en difficulté pour des raisons qu’on peut démontrer, mais il serait fou de payer des personnes qui peuvent travailler pour ne pas travailler”.

Beniamino Morante