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Italie.

“Révisionnisme noir” : une polémique rouvre les plaies des “années de plomb”

Marcello De Angelis, responsable de la communication institutionnelle de la région du Latium, s’est fendu d’un message sur Facebook où il remet en cause la culpabilité des trois terroristes néofascistes condamnés pour l’attentat de Bologne, qui avait coûté la vie à 85 personnes en 1980. Cette “opinion personnelle” relance la question des liens de la droite au pouvoir avec le néofascisme.

 

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Courrier international
 
Image de la gare de Bologne après l’attentat du 2 août 1980. PHOTO Leemage/AFP

 

Pour le quotidien de centre gauche La Repubblica, nous avons affaire à du “révisionnisme noir”, la couleur attribuée au fascisme. Selon le journal libéral La Stampa, c’est l’illustration d’une “droite qui couvre un négationniste” et, pour le centriste Corriere della Sera, plus sobrement, il s’agit d’une “affaire qui agite le gouvernement”.

 

Ce lundi 7 août, les premières pages des principaux titres de la presse italienne réservent toutes un espace important à la polémique déclenchée par la prise de position de Marcello De Angelis. Responsable de la communication institutionnelle de la région du Latium, il s’est fendu le 2 août, à l’occasion de l’anniversaire de l’attentat à la gare de Bologne, ayant causé la mort de 85 personnes en 1980, de la déclaration suivante sur Facebook : “Le 2 août est un jour très difficile pour toute personne connaissant la vérité et aimant la justice, qui tous les ans sont bafouées même par les plus importantes autorités de l’État… Je sais avec une certitude absolue que Fioravanti, Mambro et Ciavardini [trois néofascistes reconnus coupables de l’exécution de l’attentat de la gare de Bologne] n’ont rien à voir avec la tuerie… […] Avec ces mensonges on m’a ôté ma sérénité, des êtres chers et une part fondamentale de ma vie. Mais on n’arrivera pas à me faire renoncer à proclamer la vérité. Coûte que coûte.”

 

“Il s’est exprimé à titre personnel”

Pendant les “années de plomb”, entre la fin des années 1960 et le début des années 1980, l’Italie a été le théâtre d’actes de violence politique sanglants perpétrés par des mouvements d’extrême gauche et d’extrême droite. L’attentat de Bologne, l’un des épisodes les plus marquants de cette époque, demeure une plaie ouverte dans le pays, si bien que les paroles de De Angelis ont déclenché un petit tremblement de terre politique, ainsi que le rapporte Il Post.

L’opposition a demandé le départ du responsable de la communication institutionnelle de la région du Latium, mais pour l’instant le président de celle-ci, Francesco Rocca, temporise. Pour l’élu, De Angelis, s’est “exprimé à titre personnel, porté par une histoire familiale qui l’a marqué profondément”, et lorsqu’on jette un œil à la biographie de De Angelis, telle que la résume le site d’information, on comprend à quoi il fait référence.

 

“De Angelis, 63 ans, a un long passé de militantisme au sein de l’extrême droite, note en effet Il Post. Jeune, il fait partie du mouvement subversif Terza Posizione, et il a aussi fait l’objet d’une enquête, un temps, pour l’attentat de Bologne, comme son frère”, arrêté et mort en prison, apparemment par suicide. “Marcello, lui, a fui en Angleterre […], et à son retour en Italie, en 1989, il a passé trois ans en prison”, avant de devenir journaliste et, plus tard, deux fois parlementaire. “Il a aussi une sœur, Germana, épouse, précisément, de Luigi Ciavardini”, l’un des trois terroristes condamnés pour l’attentat de Bologne.

 

“À qui Meloni doit-elle rendre des comptes ?”

Pour La Repubblica, le fait qu’une personne dotée d’un tel CV puisse avoir des responsabilités institutionnelles est symbolique des difficultés de la droite italienne (et en particulier de l’extrême droite de Giorgia Meloni) à couper les ponts avec les néofascistes. Ces liens compliqués, la Première ministre en est responsable, estime le journal de centre gauche, comme le prouverait le fait qu’à la commémoration de l’attentat de Bologne elle a parlé de “terrorisme” en général et non de “terrorisme néofasciste”.

Ce terme, “Meloni ne sait pas l’utiliser ou, pire, de toute évidence, elle ne peut pas l’utiliser, attaque le journal de gauche. Pour quelle raison ? À qui doit-elle rendre des comptes ? Quels sont ce monde et ces liens qu’elle ne peut trahir, et dont le soutien lui est indispensable ?”

 

Pointant du doigt sa jeunesse de militante néofasciste, le quotidien romain affirme que “Meloni connaît bien De Angelis, ils ont grandi politiquement ensemble dans la Rome des périphéries ‘noires’, qui constitue un point de référence culturelle et idéologique pour une partie de la droite. Mais si Fratelli d’Italia [le parti de Meloni] n’est pas en mesure de se débarrasser de tels personnages, c’est un problème pour les institutions. Le temps de la décision est arrivé : renier ce monde ou continuer à le couvrir et, donc, à le protéger.”

De l’autre côté de l’échiquier politique, l’avis d’Il Giornale est logiquement diamétralement opposé : “Apparemment on ne peut pas critiquer la sentence pour l’attentat de Bologne, mais il existe une gauche qui célèbre encore le fait que la France ait refusé d’extrader dix terroristes [d’extrême gauche], attaque le quotidien conservateur. Réécrire l’histoire est un exercice nécessaire, mais façonner une vérité de façade, c’est faire outrage à la mémoire et aussi aux victimes.”