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Vu d’Israël. Le “nettoyage ethnique” dans le Haut-Karabakh marqué par l’empreinte d’Israël

Après la reconquête par Bakou de l’enclave autonomiste arménienne du Haut-Karabakh, le journal “Ha’Aretz” souligne le rôle crucial des armes israéliennes dans cette victoire éclair et s’interroge sur le bien-fondé et la moralité de l’alliance conclue entre l’Azerbaïdjan et l’État hébreu.

Publié le 28 septembre 2023

Le Premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, avec le président azerbaïdjanais, Ilham Aliyev, à Davos, en Suisse, en 2018. PHOTO Amos Ben Gershom/GPO

Les dizaines de milliers d’Arméniens qui sont en train de fuir le Nagorno-Karabakh [Haut-Karabakh] se rappellent la dislocation de l’URSS et les massacres que leur communauté a ensuite subis durant les premières années du dégel post-soviétique.

Mais ils se souviennent aussi et surtout d’une réalité plus lointaine, celle du génocide perpétré contre leurs compatriotes par l’Empire ottoman [en 1915-1916] et qui se solda par la mort d’au moins 1,1 million d’Arméniens.

Dès lors, et à juste titre, les Arméniens ne veulent ni ne peuvent compter sur la clémence des forces armées azerbaïdjanaises, ces dernières n’ayant pas hésité, ces trois dernières années, à cibler les civils et à commettre des crimes de guerre dans l’enclave du Nagorno-Karabakh.

Ventes d’armes de plusieurs milliards de dollars

Depuis la deuxième décennie du XXIe siècle, Israël s’emploie à aider l’Azerbaïdjan à écraser les Arméniens de cette enclave. Les Israéliens entretiennent une relation stratégique avec les Azerbaïdjanais, une relation qui implique des ventes d’armes d’une valeur de plusieurs milliards de dollars et qui découle à la fois du conflit larvé entre Israël et l’Iran et du fait que l’État hébreu achète à l’Azerbaïdjan une partie importante des hydrocarbures dont il a besoin.

 

Près de 120 000 Arméniens vivent dans l’enclave du Haut-Karabakh, passée sous contrôle azerbaïdjanais après l’offensive du 19 septembre 2023. COURRIER INTERNATIONAL D’APRÈS LIVEUMAP ET WARMAPPER

Jadis, les liens militaires entre les deux pays se voulaient plutôt discrets. Mais, ces dernières années, l’Azerbaïdjan a montré de moins en moins de scrupules lors de ses défilés militaires. Après que plusieurs journaux israéliens ont découvert qu’une usine produisant des drones suicides israéliens était implantée sur le territoire azerbaïdjanais, l’Azerbaïdjan n’a plus hésité à diffuser des vidéos officielles dans lesquelles ses forces étaient vues en train d’exhiber fièrement des armes israéliennes extrêmement sophistiquées.

Il y a trois ans, Ha’Aretz révélait que, pendant sept ans, 92 avions-cargos azerbaïdjanais avaient atterri sur la base aérienne d’Ovda [dans le sud du désert israélien du Néguev], le seul et unique aéroport israélien à partir duquel du matériel explosif peut être légalement et techniquement exporté.

En outre, un drone suicide de fabrication israélienne avait été filmé en train de détruire une batterie antichar sur le territoire même de la république d’Arménie, pas celui du Nagorno-Karabakh.

Révisionnisme israélien

En mai dernier [2023], Ha’Aretz avait également révélé que des journalistes et des militants de l’opposition azerbaïdjanais avaient été traqués par le logiciel espion Pegasus de la société NSO et ensuite “neutralisés”.

Ces dernières années, Israël n’a pas seulement fourni des armes à l’Azerbaïdjan. Il a également soutenu cette république turcophone dans sa volonté d’imposer un révisionnisme historique concernant le génocide des Arméniens [1915-1916], un révisionnisme partagé avec la Turquie depuis un siècle.

En 2020, le ministre des Affaires étrangères israélien, Gabi Ashkenazi [droite modérée], avait avoué que le refus d’Israël de reconnaître le génocide arménien – qu’il qualifiait simplement de “tragédie” – s’expliquait par la nécessité stratégique d’entretenir de bonnes relations avec l’Azerbaïdjan, un État dont la population est certes à majorité chiite mais dont les dirigeants sont à couteaux tirés avec l’Iran [poids lourd chiite dans la région], qui compte lui-même une forte minorité ethnique irrédentiste azérie.

Dans le même temps, Israël soutient activement la campagne insensée menée par l’Azerbaïdjan pour que la communauté internationale reconnaisse le “génocide de Khodjaly” que les Arméniens auraient perpétré contre plusieurs centaines d’Azéris en février 1992.

Faillite morale

Certes, il existe des récits contradictoires sur ce qu’il s’est passé lors de la bataille de Khodjaly pendant la première guerre du Nagorno-Karabakh de 1992. Mais il y a une chose sur laquelle la communauté internationale s’accorde : si l’on s’en tient aux normes juridiques internationales, aucun génocide n’y a été perpétré.

Hélas, ce qu’il se passe aujourd’hui dans le Nagorno-Karabakh n’est pas le premier cas de nettoyage ethnique à être marqué de l’empreinte d’Israël. La persécution des Rohingyas en Birmanie et le martyr des musulmans bosniaques durant la guerre de Bosnie-Herzégovine [1992-1995] ne sont que deux exemples parmi tant d’autres.

Que conclure ? Que, fort de l’histoire du peuple juif, l’État d’Israël aurait dû apprendre depuis longtemps que monnayer des armes contre un révisionnisme historique n’est rien d’autre qu’une faillite morale.

Éditorial