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À Paris, les ouvriers sans papiers des Jeux olympiques en grève pour leur régularisation

Mardi au petit matin, des travailleurs et leurs soutiens ont décidé de bloquer le chantier de l’Arena, Porte de la Chapelle, à Paris, pour dénoncer leur situation. Un accord pourrait être trouvé rapidement avec la ville de Paris, Bouygues et les entreprises sous-traitantes.

Nejma Brahim

17 octobre 2023 à 19h58

L’action a débuté à 6 heures du matin, mardi 17 octobre, dans le quartier de Porte de la Chapelle, à Paris. Plusieurs centaines de personnes se sont retrouvées pour bloquer l’entrée du chantier de l’Arena, puis occuper les lieux et tenter d’amorcer une discussion avec les autorités et les entreprises concernées.

Depuis plusieurs semaines déjà, des membres de la Confédération nationale du travail-Solidarité ouvrière (syndicat CNT-SO) et du collectif des Gilets noirs, composé de travailleuses et travailleurs sans papiers, organisaient des missions de tractage aux abords des chantiers destinés aux futures infrastructures des Jeux olympiques de Paris, afin de sensibiliser les ouvriers en situation de vulnérabilité et de les informer de leurs droits, notamment celui à la régularisation.

« On était entre 100 et 200 personnes ce matin, entre les travailleurs sans papiers grévistes, la CNT, les Gilets noirs, l’association Droits devant !, la Coordination des sans-papiers de Paris [CSP75 – ndlr] et la CGT », rapporte Moussa*, lui-même travailleur sans papiers et membre de la CSP75. L’objectif qu’ils se sont fixé est d’obtenir la régularisation de toutes les personnes qui travaillent sur les chantiers des JO de Paris.

 

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Le chantier de l'Arena, Porte de la Chapelle, à Paris, en 2021. © Photo Mathilde Mazars / REA

« On a demandé aux responsables des entreprises de se présenter sur le site et un responsable de la ville de Paris en charge du suivi des travaux vient d’arriver », annonce Étienne, un membre de la CNT-SO, aux grévistes et à leurs soutiens dans la matinée, dans une vidéo que Mediapart s’est procurée.

« J’ai réexprimé nos revendications, en premier lieu des Cerfa, la reprise du travail pour tous les salariés licenciés ces derniers mois à la suite de nos interventions et une rencontre avec les services du ministère du travail », poursuit-il, expliquant attendre le directeur régional et la directrice des ressources humaines de Bouygues, en charge de ce chantier, pour faire le point.

Il y a plein d’autres chantiers. On veut que tous les sans-papiers qui y travaillent soient régularisés.

Moussa*, membre de la Coordination des sans-papiers de Paris

Selon la circulaire Valls de 2012, un étranger en situation irrégulière employé par une entreprise peut déposer une demande d’admission exceptionnelle au séjour en préfecture mais doit pour ce faire se voir délivrer un document Cerfa rempli et signé par son employeur, attestant son activité professionnelle. La décision reste ensuite à la discrétion du préfet, qui peut choisir de régulariser ou non l’étranger.

Après quelques heures d’occupation des lieux, « la mairie de Paris a proposé de régulariser les travailleurs de ce chantier uniquement », explique Moussa, ce que les occupants ont refusé. « Il y a plein d’autres chantiers. On veut que tous les sans-papiers qui y travaillent soient régularisés. »

Si tout le monde ne se manifeste pas naturellement auprès des syndicats ou des collectifs de sans-papiers, par peur de représailles notamment, l’action du jour aurait permis, selon lui, d’identifier de nouveaux travailleurs restés jusqu’ici dans l’ombre.

Des centaines de travailleurs seraient ainsi employés pour des chantiers liés aux JO de Paris, bien que les syndicats refusent pour l’instant de communiquer un chiffre exact. L’action de ce jour vise aussi à mettre en lumière les travailleurs des chantiers liés au Grand Paris.

Pas moins de trente-trois entreprises ont été listées parmi les piquets de grève répertoriés ce mardi, dont Samsic, Adecco ou Derichebourg – cette dernière étant déjà mise en cause par des travailleurs sans papiers, en grève depuis deux ans, qui affirment avoir été recrutés par l’agence d’interim pour travailler dans un centre de tri Chronopost durant plusieurs mois.

Une réunion et un projet d’accord déjà en cours

Le collectif des Gilets noirs dénonce une forme d’« exploitation au travail qui enrichit les patrons ». « Nous faisons partie intégrante de la classe ouvrière de ce pays. Nous créons des richesses et du développement comme tous nos collègues. Nous refusons de continuer à être méprisés et ignorés », peut-on lire dans un communiqué de la CGT.

Cet après-midi, une réunion regroupant trois grévistes, les syndicats, un représentant de la ville de Paris, un responsable de Bouygues et les entreprises sous-traitantes a été organisée sur place, donnant lieu à des négociations plus poussées.

« Les discussions avancent bien », se réjouit Anzoumane Sissoko, élu Europe Écologie-Les Verts (EELV) chargé des solidarités internationales et des parcours d’accueil à la mairie du XVIIIe arrondissement, et militant de longue date de la CSP75, ayant aidé de nombreuses personnes sans papiers dans leur parcours de régularisation.

« Tous les acteurs sont en train de rédiger un cadre d’accord, je pense que c’est en bonne voie. Si les discussions reflètent ce qu’ils vont mettre sur le papier, il ne devrait pas y avoir de problème », ajoute-t-il. Un rassemblement prévu à 17 h 30 a réuni une centaine de personnes mardi, sur fond de chants militants appelant à la solidarité avec tous les sans-papiers et les immigrés.